Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues, стр. 292
292 CHAPITRE SEPTIÈME.
On pourrait s'en amuser, mais on n'y Croira pas. »
A Paris, il était rentré en relation avec des écrivains qu'il avait connus et qui, échappés à la Révolution, achevaient de vivre ou se reprenaient à écrire. Bernardin de Saint-Pierre le priait de revoir en manuscrit quelques chapitres de ses Harmonies de la nature ; Laharpe, revenu comme lui de ses chimères philosophiques, lui envoyait des notes sur les anciennes universités françaises. À son tour, il lui arriva de faire tenir à l’amie un « portrait » de l’empereur Alexandre. L’amie reçut et lut cette page avec enthousiasme, et la proclama égale aux meilleures pages de Rousseau. Après l'avoir fait transcrire sur vélin en lettres d’or et encadrer, elle la présenta à son commensal du jour, Bernardin de Saint-Pierre, et celui-ci de s’écrier : «Il n'y a que d’Antraigues en état d'écrire ainsi ; c'est de lui. » Pour mieux attester son admiration, il en prit copie. Quelques jours après, il apportait ce morceau, adroitement ajusté, au milieu de son livre en préparation les Harmonies de la nature, à la fin du chapitre où il montrait la Providence éternelle maintenant son empire à travers les désordres de la Révolution (1). On ne l'y trouverait plus aujourd’hui; l'auteur l’a sans doute supprimé par crainte, avant Pimpression, qui n’eut lieu qu'après sa mort en 1814. À certain moment, au lendemain d'Austerlitz ou de la Moskowa, il lui aura semblé trop hardi de publier l'éloge d'Alexandre, et il aura enlevé de son livre ce hors-d'œuvre éloquent qui jurait peut-être, et par son style et par son sujet, au milieu de douces et sentimentales descriptions.
(1) L'amie à d’Antraigues, L février 1804.