Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

LA RÉPUBLIQUE; LA CONVENTION 28r

Mais les Dantonistes ! Quelle différence trouver entre leurs principes et leurs actes et ceux de Robespierre et de ses suivants? L'humanité se réveillant chez Danton et les appels à Ja pitié si éloquemment exprimés par Camille Desmoulins pouvaient=ils ètre considérés comme des crimes dignes. de mort ?

Cependant réfléchissons ;: et demandons-nous si, en France,

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sous le régime de la liberté, les passions politiques n’ont pas toujours engendré des antagonismes prêts à dégénérer en luttes implacables. Songeons à ce qui, depuis trente ans, s’est passé dans nos Chambres, même entre républicains. Une idée commune à un groupe de députés et diflérant, même sur des points qui ne sont pas vitaux, de celle qui anime un autre groupe, constitue deux partis. Combien facilement la lutte s'ouvre entre eux, quoique le milieu soit devenu pacifique et que les armes, qui servaient jadis dans ces luttes soient, pour la plupart, brisées, émoussées ou rouillées. On ne peut plus faire condamner à mort ses adversaires. Il faut de grandes crises, pour qu'on puisse songer à les faire emprisonner ou bannir. Mais on s’ellorce de les déshonorer : les imputations les plus graves; les calomnies les plus atroces sont encore d’un usage courant dans cette guerre des partis.

Mais en 1793 et 1794, alors que la nature humaine était la même et aussi le même notre caractère national, la vieille et terrible pénalité des crimes politiques était encore intacte dans les esprits comme dans les lois: la Révolution l'avait reçue de l’ancien régime. La peine de mort était traditionnellement la peine normale en cette matière: la forme seule de l'exécution avait changé. Et quel milieu tragique pour exaspérer ces antagonismes de partis et de sous-partis, qui se forment et s'irritent si facilement chez nous. Dès le mois d'août 1790 Mallet du Pan notait ces mœurs farouches : « Nous l’avons dit, et après en avoir été vingt ans les témoins, il n’est pas de sentiment honnête, pas de principe de morale, pas d'affection naturelle que le fanatisme politique n'empoisonne et ne dénature. Il change en ligres ceux qui sont nés grossiers et inhumains : il pervertit les nations généreuses et les accoutume aux inclinations féroces, les moins