Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

LE DIRECTOIRE, LE CONSULAT ET L'EMPIRE 311

magistrat unique, placé à la tête de l'État, était un roi pour les hommes de ce temps-là, quelque nom qu'on lui donnât et quelle que füt la durée de ses pouvoirs. Nous ayons vu que cet isolement avait causé la chute de Robespierre. Le collège le plus réduit que l'on considéràt comme possible, c'était alors un triumviral, et nous verrons plus loin Morris lui-même signaler cette forme intermédiaire de l’évolution qui s'accomplissait alors. Cinq ‘ans après alors que la France se donnait à Bonaparte, c'était encore la seule forme que l'on crût pouvoir faire accepter par l'esprit républicain ; et, pour la maintenir en apparence, la Constitution de l'an VIIL adjoignait deux comparses au Premier Consul !.

Morris d’ailleurs, pour des raisons de nous connues, ne croyait pas au succès de la nouvelle Constitution, quelle qu'elle fùt. IL écrit à Washington le 23 août 1799 : « En admettant que la paix se fit, la France deviendrait sans doute le théâtre d'une longue et furieuse guerre civile. Vous remarquerez qu'ils essaient en ce moment d'établir une Constitution moins absurde que celles dont ils ont été jusqu'ici affligés et tourmentés. Mais en admettant même qu'ils puissent en adopter une bonne, ce qui parait invraisemblable, à mon avis, ils ne s’en accomoderaient pas, car ils ne m'ont jamais paru avoir l'éducation nécessaire ni lé tempéramment propre à un gouvernement libre ?. »

Il n’a point étudié directement et en détail la Constitution de lan HI. Cependant il a relevé à plusieurs reprises un trait du gouvernement qu'elle créa et qui est fait pour étonner d’abord : il l’accuse d’avoir été absolu et tyrannique. Le 11 janvier 1796 il écrit encore à Washington, et lui expose la détresse pécuniaire et les projets financiers du Directoire, l’avenir lui paraît terriblement sombre pour la France. Cependant, dit-il, « s'ils se retiraient dans leurs limites naturelles et proclamaient ouvertement leur détermination de faire la paix à condition que leurs limites leur fussent assurées, il

1. Voyez le Fédéraliste, nouvelle édition française par Gaston Jèze, préface par A. Esmein, p. xxr et suiv.

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