Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

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est difficile de dire quelle pourrait être l'étendue de ces efforts, et ce qu'ils pourraient encore faire. Car, en ce cas, nous devons faire entrer en ligne de compte l'orgueil national, leur enthousiasme caractéristique, et la force d’un gouvernement de la nature la plus absolue ‘et dont les membres ont tout à gagner où à perdre ! ». Le 4 mai 1796 il combat énergiquement, dans une lettre à Hamilton, le projet d’un secours donné à la France par les États-Unis, et voici l’une des raisons qu'il invoque : « Serait-il humain desoutenir le pouvoir qui tyrannise la France et réduit ses habitants à une indicible misère 2) » Le rr août 1798 il est à Franclort et note sur son Journal ; « Je dine aujourd'hui à mon hôtel à table d'hôte. Le général Gontreuil est mon voisinet me dit qu'il a échappé à la poursuite des Municipaux de Bruxelles par suite d'un accident qui l’a retenu à Mons un jour de plus qu'il ne pensait... Il dit que le peuple tant en France que dans les Flandres est très misérable et malheureux, les paysans ne sont pas trop mal, le pays de France est mieux cultivé qu'auparavant, l'oppression du gouvernement dépasse tout ce qu'on peut imaginer?. »

C’est exactement le sentiment de Marmontel en ce qui concerne le Directoire : « On séntit enfin, dit-il, la nécessité de régénérer la République en changeant, non le fond, mais la forme d’un gouvernement, républicain de nom et réellement despotique, et en feignant de diviser les pouvoirs pour

- les balancer. Tel fut l’objet et l'artifice de la nouvelle Constitution. » Il cherche même à démontrer sa proposition. Après avoir dit que par les deux Conseils « l'intérêt public, si les choix étaient libres et assez éclairés, pouvait être en de bonnes mains », il continue : « Mais à ces deux Conseils on ajouta un directoire exécutif armé de la force publique pour maintenir l’ordre et les lois ; et ce fut là que s'établit et se retrancha le despotisme le plus absolu et le plus tyrannique, dont on ait jamais vu l’exemple. La gestion des plus grandes affaires de l’Etat, la politique, les finances, les relations au dehors, le commerce et les alliances, la guerre et la paix, les

1. ©, II, p. 152.— 2. T.IL, p. 160. — 3. T. IL, p. 349.