"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

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CHAPITRE V.

mais libre et indépendante. « Mais quelles troupes, se demande-t-il, revenues d’une guerre, qui semble autoriser toutes les violences contre un ennemi, n’ont pas peuplé les forêts et les grands chemins de voleurs et de meurtriers 1 ? »Il laisse entrevoir —on ne peut s’y méprendre que ce peuple barbare est bon, hospitalier, très ouvert et même naïf, qu’il ne manque pas de sentiments humains, de vertus domestiques, d’intelligence naturelle ; que ses institutions sont primitives, mais non immorales. « Je crois devoir une apologie à une nation qui m’a fait un si bon accueil, et qui m’a traité avec tant d’humanité. A cet effet, je n’ai qu’à raconter sincèrement ce que j'ai observé de ses mœurs et de ses coutumes. Mon récit doit paraître d’autant plus impartial que les voyageurs ne sont que trop enclins à grossir les dangers qu’ils ont courus dans les pays qui ont fait l’objet de leurs recherches. » Ce trésor si abondant de renseignements de toute nature que lui donnait Fortis, Mérimée l’a mis largement au pillage. Quels sont ces emprunts, sinon tous, du moins les principaux? De quelle manière s’est-il assimilé tout ce qu’il devait à son informateur? C’est ce qui maintenant nous intéresse. Remarquons toutefois, avant d’aborder la question, que Mérimée était par avance condamné à reproduire et même à accuser toutes les inexactitudes qu’il allait trouver dans le Voyage-,

1 Voyage en Dalmalie. 1.1, pp. 65-66. 2 Sauf l’indication contraire, toutes nos citations sont empruntées à l’édition bernoise du Voyage (1778).