"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

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CHAPITRE V.

« Il est vrai que beaucoup ne se jettent point clans la montagne dans l’intention de commettre des crimes, mais quand une fois un homme, surtout sans éducation, se sépare de la société et s’affranchit de toute autorité, il est bientôt entraîné par la contagion de l’exemple; c’est ainsi que les heyduques font du mal à leurs compatriotes qui les aiment, en comparaison des Turcs, et les plaignent; et c’est encore aujourd’hui [lBlB] faire à un heyduque la plus grande injure et le plus mortel outrage que de le traiter de voleur et de chauffeur. » Ces bandits-patriotes ont inspiré très souvent les chanteurs serbes, et ils occupent une large place dans la collection de Karadjitch. Voici les noms, recueillis par la poésie, de quelques-uns de ces aventuriers, dont plusieurs ont péri dans d’atroces supplices : Starina Novak et ses fils (xv e siècle), Yanko de Kotar et son fils Stoïan Yankovitch (xvn e siècle), Ivo de Sègne, Mihat le berger, Mato le Croate, Rade de Sokol, Voukossav, Louka Golovran, Vouïadine et ses fils, Ivan Vichnitch, Baïo de Piva et d’autres h Mérimée, sans avoir connu leurs exploits, fait cependant aux heyduques une place d’honneur dans la Guzla. Nous avons vu que, s’inspirant de Nodier, il s’était déjà exercé à en parler dans l’Aubépine de Veliko. Mais, peu renseigné, il s’était alors borné à faire quelques vagues allusions à ceux qui devaient être les héros de deux nouvelles ballades. C’est après avoir lu plus attentivement une page de Fortis qu’il les écrivit; et l’on peut dire que mieux documenté il a su mettre dans ses historiettes plus de couleur. Cette page la voici :

1 A. Dozon, op. cit., p. lv.