"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

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CHAPITRE V.

tombant d’une fenêtre. » Parisien qu’il était, il ne savait pas que les maisons de Knin n’ont qu’un étage! Il consacre trois ballades aux pobratimi : la Flamme de Perrussich, les Pobratimi et la Querelle de Lepa et de Tchernyegor. Dans la première, il nous paraît avoir adopté un ton assez naturel et qui, dans une certaine mesure, se rapproche du ton de la vraie poésie populaire 1 . Il mêle adroitement, trop adroitement même, quelques croyances superstitieuses aux renseignements que lui donne Fortis. On croit ordinairement, dans les masses profondes du peuple de certains pays, qu’une flamme bleuâtre voltige autour des tombeaux pour annoncer la présence de l’âme d’un mort. « Cette idée, dit-il, est commune à plusieurs peuples, et est généralement reçue en Illyrie. » C’est là une remarque qui ne manque pas de vérité, comme le fait justement observer M. Matic; ■mais, il convient d’ajouter que ce merveilleux par trop grossier n’a jamais inspiré aucune piesma; ce sont là contes de grand’mères, pour effrayer les petits enfants. Un joueur de guzla se croirait déshonoré s'il traitait un sujet que les vieilles femmes racontent dans les villages. Ainsi jamais aucun guzlar ne se serait laissé séduire à l’histoire du bey Janco Marnavich telle que Mérimée l’a imaginée. Mais la douleur du bey « qui cherche les lieux déserts et se plaît dans les cavernes des heyduques», cette douleur inconsolable;, ce morne désespoir; sa mort enfin causée par le remords d avoir lui-même tue son fidèle ami : tout cela constitue un thème bien digne de la poésie populaire; disons toutefois que si ce merveilleux d’un genre inférieur n’est pas conforme au véritable esprit delà poésie populaire serbo-croate, le poème

1 La Flamme de Perrussich {la Guzla, pp. 117-123).