"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

« LES MONTÉNÉGRINS. »

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taro, et, en se promenant, il dit : « Gloire à Dien unique ! Regardez ces chèvres de Monténégrins, comme ils brisent la forteresse de l’Empereur ! N’y a-t-il pas un vrai héros qui veuille aller vers la Trinité et chasser ces étourdis de Monténégrins ? » Alors un valeureux capitaine parle; de son nom, c’est le héros Campagnol. « M’entendstu, mon général? Ouvre-moi la porte du côté de Chouragne; donnemoi quelques soldats. Je veux monter vers la Trinité, pour chasser ces souris de Monténégrins: je t’en amènerai une vingtaine de vivants, o Ban! pour que tu les jettes dans les caveaux. » On lui ouvre la porte de Chouragne. On lui donne quelques centaines de soldats. Devant eux marche le brave Campagnol, et quand il est monté à Chvalar, il prend avec lui le chef de Chvalar. Et quand il approche de la Trinité, les sentinelles des Monténégrins l’aperçoivent, et elles préviennent Vouk : « Voici que l’armée arrive de Cattaro. » Quelques jeunes gens s’appellent mutuellement, et ils vont au-devant du faucon 1 et ne lui permettent pas d’approcher de la Trinité. Quelques-uns même le prennent par derrière et ne lui permettent.pas de rentrer à Cattaro. Le brave capitaine Campagnol s’est fatigué, et il court à travers le large Vernetz ; il court à travers le Vernetz et se défend en faisant feu. Et quand il arrive au plus large du Vernetz, il forme le carré. Alors un fusil monténégrin tire et atteint le héros Campagnol. Le faucon tombe sur le vert gazon. Un second coup arrive sur ses compagnons ; le chef de Chvalar est atteint : la terre ne le reçoit pas vivant. La troisième décharge vient du côté des Français ; elle atteint un jeune Monténégrin, qui était de la tribu des Tchleklitch. Les malencontreux Français s’envolent comme un troupeau qui a perdu son berger. Derrière eux vont les jeunes Monténégrins, qui les poursuivent jusqu’à laporte de Chouragne 2 . Ils n’en ontlaissé échapper aucun vivant ; ils ont fait vingt prisonniers, qu’ils conduisent vivants vers la Trinité. Les Français, qui sont àla Trinité, l’ont vu. Us tournent alors leurs fusils en arrière, et livrent le fort de la Trinité. Les Monténégrins pillent le fort, ils le pillent et l’incendient. Alors le vladika Pierre se met en route. Il traverse la plaine de Gerbalie; il arrive auprès de Vouk, à la Trinité. Vouk lui fait une réception ; il ne fait pas la réception en tirant des fusils ; mais il fait feu des armes françaises : il fait tirer les verts canons, dont la jeunesse s’est emparée dans le fort français de la Trinité.

1 Le mot faucon s’emploie pour désigner un homme brave. 2 « Pobiégoché iadovi Frantzousi, Ka i pousta stoka bez tohobana A za gnima mladi Tzernogortzi Tiéraché ih do vrata Chouragna. »