Mémoires sur la Révolution française

PRISON DES RÉCOLLETS À VERSAILLES 179 tranquillement, parce qu'ils ne permettraient à personne d'entrer chez moi et de m'insulter. Je me couchai donc avec mes habits mouillés et je dormis jusqu’à sept heures. Je crois que, dans tout le cours de ma vie, je n’ai jamais dormi si profondément, quoique Dieu sache si j'étais heureuse! Mais l’intensité de ma misère n'avait frappée de stupeur.

Le matin on me fit entrer dans la prison, un triste séjour, quoique moins mauvais que Sainte-Pélagie. Eci mes compagnons de prison n'étaient que des criminels; on m'avait logée dans une vaste salle qui avait été habitée avant moi par trois ou quatre cents lapins, elle était malpropre et infecte. Il ÿ avait certainement là place pour une quarantaine de lits : dans un coin était un mauvais grabat à roulettes, avec deux vieilles chaises, une table sale et non moins vieille, une chandelle dans un chandelier, des chenets, des pelles et pincettes, et une cheminée où on aurait

pu faire rôtir un bœuf tout entier : là brülait un grand