Mémoires sur la Révolution française

PÉNIBLES PRIVATIONS 181

couteau et d’autres objets qui m’avaient appartenu. J'en fus, je l'avoue, fort étonnée.

Nous étions donc privés de tout bien-être, nourris que nous étions par la nation. Le geôlier touchaitenviron huit pences anglais par jour pour notre nourriture, et Dieu sait qu’il n'en dépensait pas même six. Notre ordinaire consistait en haricots bouillis, tantôt chauds, tantôt froids : chauds, ils étaient accommodés au beurre rance, froids, avec de l'huile commune; nous avions aussi des œufs arrangés de diverses manières. Un des plats qu’on nous servait le plus souvent, c'était des harengs tout crus; on nous en donnait beaucoup, parce que les Hollandais en avaient envoyé une quantité à Paris, pour acquitter une partie d'une dette qu’ils avaient envers la République. Parfois nous avions ce qu’on appelait de la soupe et du bouilli, mais nous étions toujours malades après en avoir mangé. Quelques prisonniers pensaient que

c'était de la chair humaine qu’on nous apportait, mais