Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

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tacle s’offrit à mes regards. Pendant qu'Alexandre de Girardin (1) provoquait avec force des vengeances contre Paris, d’autres officiers gardaient le silence; d’autres encore exprimaient à voix basse des sentiments contraires.

Enfin, le maréchal se retira pour gagner son logement. Chemin faisant, je crus devoir le prévenir de ce que je venais de voir et d'entendre, et, comme il avait l’ordre de prendre le commandement des colonnes d'attaque, je l’avertis qu'il essuierait à la prochaine bataille de nombreuses défections. Je lui citai même les noms de ceux sur lesquels il ne pouvait compter. Nous poursuivions notre chemin à pied; à tous mes discours, le maréchal gardait le plus profond silence. Cependant, au moment de monter dans son appartement, il me dit tout bas à l'oreille : « On le fera abdiquer. » J’entrai dans la salle où mes camarades et beaucoup d'officiers de la Garde étaient réunis. Le langage de tout le monde montrait des intentions favorables à une attaque de vive force sur Paris. Renfermant en moi-même la confidence de Ney, je ne pris aucune part à cet entretien.

Le lendemain, 2 avril, le maréchal donna l’ordre du départ pour Essonnes. Tous les chevaux se réunirent à sa porte, et déjà les officiers généraux affluaient dans sa vaste chambre. Nous montâmes à cheval, le prince de la Moskowa en tête, et nous

(1) Général, aide de camp de Berthier. (Note de l'éditeur.)