Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

1814 — L’ABDICATION 241

traversimes une partie de la ville pour nous rendre à Essonnes, mais le maréchal fut successivement arrêté par le duc de Tarente, par le duc de Vicence et par plusieurs autres officiers généraux qui lui dirent : « Parlez, monsieur le maréchal, parlez à l'Empereur, nous vous soutiendrons (1). » Pressé ainsi de toutes parts, le maréchal fit volte-face et nous retournâmes droit au château. Notre état-major monta le grand escalier, précédé du maréchal Ney, du maréchal Macdonald et du duc de Vicence, qui se rendirent au cabinet de Napoléon. Nous restâmes dans le salon.

On dit que dans cette conférence solennelle, le maréchal adressa à l'Empereur ces paroles : « Sire, Votre Majesté nous a toujours répété que ce n’était point le trône qu’elle avait en vue, mais le bonheur de la France. Votre Majesté peut aujourd'hui s'illustrer et devenir plus grande qu’elle ne fut jamais. L’ennemi a pénétré dans sa capitale. La France, fatiguée de guerres, a reçu les Alliés comme des libérateurs. Les Alliés refusent de traiter avec Votre Majesté. Cédez la couronne à votre fils, Sire, et la France est sauvée. » L’Empereur répondit : « Puisque ce sont mes maréchaux et les hommes sur lesquels je puis le plus compter, qui me le demandent, j'y souscris. Je ferai plus encore... » À ces mots, le duc de Vi-

(1) Caulaincourt, duc de Vicence, ministre des affaires étrangères, était Grand Ecuyer et général de division. (Note de l'éditeur.) 16