Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

338 CHAPITRE HUITIÈME.

manquez pas surtout d'informer le ministre (le marquis de Wellesley) du rôle que M. d’Antraigues a joué dans cette affaire, afin qu'il puisse juger de la confiance que mérite un pareil homme (1).

L'avis fut écouté. Comme Panine en Russie, Canning resta jusqu'à la fin pour l’émigré français un protecteur bienveillant; mais Wellesley qui, deux mois auparavant, avait consenti à le recevoir, lui ferma désormais sa porte et éluda toutes les demandes d'audience. S'il l'eût pu, il eût supprimé sa pension. Tout au plus tolérat-il une correspondance intermittente entre lui et le sous-secrétaire d'État Smith. Ce qui en subsiste prouve l'empressement obstiné de l’officieux éconduit à offrir des avis qu'on dédaignait et des moyens d'information dont on profitait sans en savoir gré à leur auteur. D’Antraigues essaya de se mêler des affaires de Sicile, tantôt dissertant sur l'administration de ce pays, tantôt communiquant des lettres de Marie-Caroline. À cet égard il se recommandait du duc d'Orléans; au sujet des affaires de Russie, il se recommandait d'Armfelt.

Celui-ci, devenu Russe après l'annexion de la Finlande, détaché d’ailleurs de la Suède depuis l’arrivée de Bernadotte, se livrait dans le tête-à-tête épistolaire à des opérations de diplomatie interlope; il rêvait un retour des Wasa au trône par la proclamation du fils de Gustave IV. A Pétersbourg, il voulait trouver dans l’alliance française la cause déterminante d'une prochaine révolution de palais. il est singulier que la Russie, le pays du monde où les idées d'autorité et de conservation

(1) Lettre du 1* mars 1809, citée par E. Daupxr, les Bourbons et la Russie, p. 327. — Toute cette affaire a été parfaitement élucidée dans une étude de M. de Contades, composée d’après les documents originaux. (Correspondant du 10 octobre 1883.)