Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

340 CHAPITRE EUITIÈVE.

III

L’assassinar (1812).

Pendant les dernières années de sa vie, à côté de ce groupe minuscule d'émigrés irréconciliables qui s'était concentré à Londres, d’Antraigues avait fini par devenir un isolé. Son caractère, son mariage, sa disgräce en Russie, tout avait successivement contribué depuis son exil à faire le vide autour de lui. À moitié brouillé avec Puisaye, en guerre ouverte avec la petite cour d'Hartwell, d’où la mort venait cependant de faire disparaitre d'Avaray, il en était venu, par amour-propre, à se faire un mérite de l'éloignement qu'il inspirait, et il rendait inaccessibles son logement de Londres, son cottage de Barnes Terrace, ne voulant rien voir des émigrés, rien entendre.

Retrouvait-il du moins dans ses souvenirs, en parcourant le passé ou en errant au loin, quelque compensation à ses amertumes? Sa mère était morte (1). La belle Henriette, vieillie et enlaidie, avait épousé un garde champêtre qui la battait, et ne rouvrait plus le coffret où elle avait enfermé les lettres de son seigneur jadis bienaimé. Gamon, qui se reposait sur un siège de magistrat

(1) Mme de Viennois écrit à sa fille, Mme d’Albon, le 23 mars 1808 : « Mon frère m'a enfin écrit; il n’est pas heureux moralement... Il a l’âme triste; il m'a donné son argenterie purement et simplement dont il ne veut plus entendre parler. Je lui ai répondu que je l’acceptais avec plaisir, mais que je me réservais celui de l'offrir à son fils, qui la retrouvera bien sûrement avant ou après ma mort...» (CG. P.)