Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

342 CHAPITRE HUITIÈME:

tant de pages de polémiques stériles mortes et oubliées avant lui :

« Je commence cette année en versant des pleurs. C’est ainsi à peu près que je les ai toutes finies depuis 1790 (29 décembre). Je suis mené et ne peux pas résister aux persécutions. Je ne puis croire que je voie 1813 sans me séparer de ma femme, à moins que Dieu ne daigne m'accorder la grâce de mourir ou me donne une patience surnaturelle. Le lon qu'elle a pris depuis six mois est si rude, si violent, si injurieux, que, si j'ai fait une grande faute en l’épousant sans la permission de ma sainte mère, j'en suis cruellement châtié. Elle a de grandes qualités très belles, très rares, mais son caractère est insupportable et me rend la vie bien amère, et mon intérieur plus cruel que le tombeau, où on me laissera au moins en paix. Je prévois le retour de mon fils et ami Jules avec effroi. Il sera une nouvelle cause de malheur pour lui et moi, par la tyrannie qu’elle prétendra exercer sur lui comme s'il avait six ans... Je me borne à demander à Dieu la résignation, la force, les ressources, la grâce d’être bon catholique, celle de protéger mon fils, de conserver ma femme et de mourir sans souffrir, mais en ayant le temps de me préparer. Je le supplie de ne pas me réduire à la misère et de me conserver ce qu'il m'a accordé et que j’ai bien gagné près de ces misérables rois que j'ai dû servir et que j'ai eu le malheur de servir (1)... »

Le lendemain du jour où il avait ainsi exhalé secrètement ses plaintes, il recherchait dans ses papiers les lettres de sa mère; il relisait, toujours en pleurant, la dernière reçue, puis les jours suivants, à son réveil, il les

(1) De Goxcourr, {« Saint-Huberty, p. 243-247,