Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

L'ASSASSINAT (1812). 343

repassait une à une, poursuivant ainsi un examen de conscience suprême avec ce guide vénéré et jadis si souvent méconnu (1).

Lorsqu'il recommençait ainsi à vivre solitairement de la vie du cœur, d’Antraigues pouvait, comme écrivain politique, croire de nouveau à l'avenir. Au commencement de 1812, personne ne doutait plus de la rupture prochaine entre la Russie et la France. L'empereur Alexandre était ramené peu à peu, par l'ambition exelusive et toujours offensive de Napoléon, vers les sentiments et vers la politique du commencement de son règne. Armfelt faisait pressentir à son ami le moment où leurs illusions obstinées se changeraient en espérances certaines. Vers la fin de 1811, d'Antraigues recut de lui l'annonce d’une rentrée en grâce probable auprès d'Alexandre. À défaut du maître, qui n'avait pas encore parlé, Panine lui faisait proposer une correspondance indirecte dont Armfelt serait l'intermédiaire. Rostoptchine se souvenait hautement de lui et se promettait, s’il revenait au pouvoir, de l'employer.

Ces belles assurances prirent corps en juin 1812, au moment où la Grande Armée francaise pénétrait en Russie. Personne alors n’était inutile pour combattre Napoléon. Alexandre, sur une insinuation faite en temps opportun par Armfelt, parla avec éloges et regrets de son ancien correspondant, et s’engagea à réclamer de nouveau ses services, dès que Roumianzov aurait quitté le ministère des affaires étrangères. On recommandait à d’Antraigues de ne point prendre les devants, mais on offrait un but immédiat à son activité : « Réunissez toutes vos idées,

(2) Note de sa main en tête du recueil des lettres de Mme d’Antraiques mère. (B. D.)