Catherine II et la Révolution française d'après de nouveaux documents

LA FRANCE DE L'ENCYCLOPÉDIE 39

pour qu’il soit possible de nier en une certaine mesure la conviction de sa foi philosophique. Libérale d’instinet et par éducation, elle était indiquée pour plaider devant l'Europe la cause de l'humanité, etiln' y a pas que de l'artifice quand elle le fit : la conviction se mèle à l’intérèt de son Empire et de sa gloire. Aussi peut-être M. Waliszevski est-il à côté de la vérité quand il prétend que « son esprit essentiellement pratique semble avoir été absolument rebelle à la spéculation pure. » Oui, sesactes répondent de son caractère pratique ; mais est-ce à dire que son esprit resta entièrement fermé à la spéculation pure ? A certainesheures,le beau et le bien, à la condition qu'ils ne contrarient pas ses intérêts, paraissent avoir eu quelque prise sur elle. Là où M Waliszevski est absolument dans le vrai, c’est quand il dit que Catherine eut le don d’accommoder « toujours ses idées à ses intérêts. » C'est pour cela qu’elle futune libérale dans la première partie de son règne, ef se montra l’opposé dans les dernières années.

M. Albert Sorel parlant des souverains du XVII: siècle qui pratiquèrent les philosophes, s'exprime ainsi : « La philosophie fut, pour ces princes, à la fois un instrument de règne et un divertissement, » Ce fut le cas de Catherine plus que de tout autre. Les philosophes disposaient de l'opinion publique ; c'est pour ce mo tif qu'elle alla à eux. [ls furent aussi pour elle un divertissement ; elle se plut à leurs « bavardages, » mais il y avait cependant en elle un esprit sérieux qui ne cherchait pas le divertissement pour lui-même ; à un cer tain moment elle songea réellement aux souffrances