Catherine II et la Révolution française d'après de nouveaux documents

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de l’humanité ; en écoutant les philosophes elle obéit à la fois à des vues intéressées et elle servit la cause de l'humanité.

C’est du reste à la façon de Frédéric IL, et non à la façon de Joseph Il, un autre disciple du roi-philosophe, mais bien différent de lui, que Catherine comprit les économistes et la philosophie. Joseph II, qui avait également cédé à l’esprit du siècle, écrivait en 1781 : « Depuis que je suis monté sur le trône, et que je porte la première couronne du monde, j’ai fait dela philosophie la législatrice de mon Empire. Ses applications logiques vont transformer l’Autriche. » Et de fait, il fit dela philosophie un usage si immodéréqu’il compromit cette « première couronne du monde. » Avec Catherine rien de semblable. Elle eut pour la philosophie des eajoleries, mais ne subit son influence que jusqu’au point où cette attitude s’accordait avec ses intérêts. C’est d'un œil à la fois complaisant et égoïste, etavec sang-froid, qu’elle la considère. Elle n’oubliera jamais son métier de souveraine ; c’est pourquoi, après avoir flatté les philosophes, elle les abandonnera quand ellen’aura plus besoin d’eux, et tirera sur la philosophie quand elle en verra les fruits dans la Révolution.

Il est donc à regretter, de la part de Catherine, que les effets aient si peu répondu à ses intentions de libéralisme.' Mais s’il n'est pas possible de prétendre qu’elle se soit immortalisée par le bien qu’elle a fait, il est du moins possible de dire avec Diderot, qu'arrètée plus d’une fois par les obstacles trouvés sur sa route, elle s’est immortalisée par le bien qu’elle eût voulu faire.