La correspondance de Marat

LA CORRESPONDANCE DE MARAT 43

Encore un mot. Au milieu de mille essais funestes, quelques tentatives heureuses avaient fait sentir que l’éleetricité médicale pouvait offrir les plus grands avantages à l'humanité. Depuis longtemps elle était livrée aux empiriques. Des physiciens qui n’étaient pas médecins, et des médecins qui n'étaient pas physiciens, se mêlaient d’en former un art raisonné. Ce devait être la tâche d’un homme de génie, qui aurait réuni les deux genres de connaissances qu’elle suppose. Cependant le public est inondé d'une multitude d'ouvrages où se trouve établis différents systèmes. Je les attaque tous, j’en démontre les erreurs et les dangers; puis j'établis les principes à la lueur desquels l’art doit marcher, je distingue les cas où les secours de l’électrisation peuvent être efficaces, de ceux où on l’invoquerait en vain, mème avec danger. J'ai pour juges les membres d'une Académie; ils sont entraînés par la force de mes preuves. Et ce serait encore moi ignorant qui aurais forcé une Société savante à couronner mon travail, à m'accorder le triomphe contre celui de ses membres dont elle se glorifie le plus ?

Aux imputations de mes ennemis, on pourrait croire qu'ils manquent eux-mêmes de sens. Mais qu'on ne s'y trompe pas, ils ont leurs raisons pour en agir de la sorte. Ils connaissent la maligne influence de la calomnie, et à force de répéter que je suis un ignorant, ils se flattent d’en être crus sur parole. Au reste, c'est moins ce que j'ai déjà fait qu’ils redoutent, que ce qu'ils savent que je puis faire encore sous les auspices d'un grand Roi. :

Je viens à leur dernier trait. Ils ont cherché à inspirer de l'effroi sur mon compte, en insinuant que le plus grand malheur qui pût arriver à l'Espagne serait de muy recevoir. Cette odieuse imputation ne saurait tomber sur l’homme de lettres supposé sans mérite; les ignorants ne sont pas des fléaux. Elle porte donc sur le caractère moral de l'individu dont elle fait le membre le plus dangereux de la société. Pour être regardé comme tel, il faudrait, en fac-