La correspondance de Marat

46 LA CORRESPONDANCE DE MARAT

bout à l’autre de l'ouvrage : impatiens freni, c'est la devise du génie ; l’auteur se l'est appropriée, et elle lui va bien: mais, Monsieur, ne pourrait-il pas faire grâce au sage Socrate et lui donner le même motif qu'il attribue ailleurs au juste Aristide ? J'aurais aimé, je vous l'avoue, que cela eût pu s'arranger ; j'ai même été jusqu'à désirer qu’une requête fit sur lui l'effet d’un syllogisme portant conviction. La condamnation de Socrate entraine celle de Phocion, et voilà l'antiquité dépouillée de ses plus nobles joyaux. L'auteur connaît trop bien l'homme pour n'être pas indulgent. Au reste, je ne veux point deviner votre nom, non pas pour avoir la peine de le taire, mais parce que je n'aime pas à louer les gens en face.

J'ai l'honneur d’être, Monsieur, avec les sentiments de la plus véritable estime, votre très humble et très obéissant serviteur,

(Signé) DE La Roonerrx.

N°2;

Lettre du méme au même, datée de Pimblico, le 20 janvier 1713.

Je vous remercie, Monsieur, du nouveau plaisir que vous m'avez fait en me communiquant la suite de votre manuscrit. J'ai continué de m'instruire, de m'éclairer, de vérifier sur moi-même la justesse d'une infinité de vos observations; mais comment pourrais-je vous critiquer? Je pense comme vous, et si par malheur je pensais différemment, vous me converliriez à coup sûr. Vous avez le courage de dire tout ce que vous pensez, c'est beaucoup; mais vous avouez naturellement ce Que vous ne savez pas, et c’est une bonne foi courageuse, qui n’est pas moins précieuse à mes yeux; si nos