La première Commune révolutionnaire de Paris et les Assemblées nationales

ET LES ASSEMBLÉES NATIONALES. 324

bien le prendre ainsi), Louvet prêtait à Robespierre une visée nette et hardie dont celui-ci était incapable. Robespierre voulait bien être l'homme écouté, obéi de tous, le personnage dominant et dominateur de la révolution, mais il entendait n’arriver à ce faite que par l’ascendant moral, moyen invisible, insaisissable, car... Robespierre tenait essentiellement à être irresponsable. Robespierre eut toujours la crainte de se laisser prendre sur le fait de manœuvres constatables, d'actes caractérisés. Robespierre est l’homme qui invente des tribunaux apparents, lesquels sont au fond des machines à condamner: c’est l'homme qui invente des insurrections morales, lesquelles, grâce à d’autres que lui, se tourneront en insurrections réelles. Robespierre c'est Tartuffe pratiquant la légalité, comme l'autre pratiquait la religion. C’est pourquoi il échappait aux prises de Louvet. Puis Louvet dispersait ses coups sur la Commune, sur Danton, sur Marat. Il assomma la Commune qui, pour l’Assemblée, était déjà tout assommée, Il perça Danton d'un trait vif, pénétrant, mais trop rapide pour être saisi par la majorité des esprits : À cet endroit-là il fallait être moins fin, moins littéraire: c'était le moment d’empoigner la fameuse circulaire, de l’agiter devant Danton, en lui demandant : « Maïs, enfin, que nous direz-vous de ceci que vous avez répandu par toute la France? » — D'autre part, c'était pour Danton, pour ce fougueux Danton, qui, lorsqu'on attaque les autres, prend si aisément la mouche et a l'habitude de s’écrier « et l’on ose... etc. », c'était le cas de monter à la tribune et d'y déployer son tonnerre. Mais Danton, quand c'est lui qu’on attaque au fond sans le nommer, fait celui qui ne comprend pas et reste muet, réprime son geste et ravale sa langue. Danton a eu à de certaines heures des silences qui parlent singulièrement contre lui, devant la postérité !.

1. « Parce que le ministre de la Justice ne parlait pas... » En effet, quand il se commettait un crime comme septembre, à qui incombait-il de parler le premier et le plus haut, si ce n’est au ministre de la Justice ?