Le théâtre français pendant la Révolution 1789-1799 : avec plusieurs lettres inédites de Talma
LES DÉBUTS DE LA RÉVOLUTION 63
Théâtre-Français pour aller jouer en province. Cédant aux sollicitations réitérées de ses camarades, il faisait une rentrée éclatante dans Œdipe (1).
Toutefois, ce triomphe éphémère devait bientôt pâlir et même s’éclipser totalement devant la réputation toujours grandissante de Talma, son jeune rival (2).
Le principe sacré de la liberté des cultes, si longtemps outragé par d’abominables persécutions, était un de ceux que la Révolution devait surtout proclamer
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(1) Cette rentrée du tragédien Larive, au théâtre de la Nation, donne une idée de l'influence prépondérante que la ComédieFrançaise exerçait sur les classes bourgeoïses, puisqu'elle prit les proportions d’un événement important, et cela en pleine Révolution. Pa
On va en juger par le fait suivant : Les anciens camarades de Larive, sentant tout ce que son absence, résultat d’un moment d'humeur et de dépit, leur causait de préjudice, lu avaient adressé plusieurs députations pour le prier de rentrer, acceptant d'avance les conditions qu'il pourrait leur imposer. Il résistait cependant, lorsque l'intervention de l'abbé Gouttes, qui présidait alors l’Assemblée nationale, changea la face des choses. Ancien vicaire à Paris, dans le quartier du Gros-Caillou, où demeurait Larive, il avait conservé pour lui beaucoup d'amitié. Il ne dédaigna pas d’employer toute son éloquence pour déterminer le célèbre tragédien à oublier ses griefs, et lui fit voir, suivant le langage de l'époque, sa rentrée au théâtre « comme un acte de civisme digne de ses vertus ». Larive céda et promit de jouer Œdipe. L'intérêt que l'abbé Gouttes prenait à cette représentation était si vif, qu'il voulut en être le témoin, et céda, ce jour-là, ses fonctions de président de la Constituante à un collègue. Personne ne fut scandalisé de voir l’abbé, qui avait servi de négociateur entre les comédiens et leur camarade, échanger, pour sa représentation de rentrée, son fauteuil de président contre une place de parterre.
(2) Après la disparition de Lekaïn, Larive avait pris son emploi. Ce ne fut que 15 ans plus tard qu’apparut Talma. Aussi on à dit: « que Larive, entre Lekaïin et Talma, fut un artiste de talent entre deux artistes de génie. »
Un journaliste de l’époque appréciait ainsi les qualités respectives des deux célébrités, dans le genre tragique : « Larive est l'acteur de Corneille et Voltaire; Talma celui de Shakespeare. » Le talent de Talma sortait des règles établies, c'était un révélation, c'était le genre précurseur de l’école romantique.