Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

CONSTITUANTE. 29

on choisit des députés qui fussent en état de défendre ses droits ou ses prétentions. Ceux du tiers-état partirent accompagnés des bénédictions du peuple, qui leur offrait pour Îeur retour ou des couronnes ou l’ignominie.

Tandis que tous les esprits étaient ainsi agités par les plus grandes passions, la cour prévoyait assez que Vorage tomberait sur elle. Mais la publication des cahiers du tiers, ses prétentions, les écrits sans nombre qui étaient répandus, tout lui fit sentir la nécessité de rallier contre cet ordre toutes les autorités et tous les corps. M. Necker aurait désiré que les états-généraux fussent convoqués à Paris : mais le roi préféra Versailles, où la communication entre la cour et les députés devait être plus prompte et plus facile : peut-être la cour pensa-t-elle y trouver plus de moyens de les gouverner. Les députés du tiers-état s’y présentaient cependant avec désavantage; car, envoyés de tous les coins de la France, et la plupart connaissant peu le monde, ils se trouvaient transportés tout-à-coup dans une ville où tout portait l'empreinte du despotisme, et où l'intrigue avait par-tout tendu ses filets. Les agens de la cour avaient déjà établi des conférences’ chez madame de Polignac. On y méditait les moyens de réunir les deux premiers ordres, et de tenir les communes dans un état de dépendance et de nullité. Celles-ci sentirent la nécessité de se rallier, et, par un instinct naturel qui porte les hommes à réunir leursforces, les députés de chaque province se rassemblèrent entre eux, jusqu'à ce que le club breton absorbât tous les autres. Ceux des membres de la noblesse qui, depuis, se joignirent les premiers aux communes, se réunirent aussi dans une société où assistaient plusieurs députés du peuple, Dès les premiers jours, et même avant l’ouverture desétats-généraux, les députés des communes s’apercurent de l’humiliation qu’on leur préparait. Fidèles aux usages de 1614, dont on avait compulsé les antiques archives, on donna aux deux premiers ordres un costume pompeux, et aux communes ce lui des hommes de loi, parce qu’en effet, dans les anciens états-généraux, les députés de cet ordre étaient presque tous jurisconsultes. Mais il était ridicule de faire porter cet habit à des citoyens de toutes sortes de professions, lesquels semblaient jouer ainsi une scène comique. Ges puérilités, qui ne seront rien aux yeux des hommes sages, indisposaient à cause de l'intention qui les avait inspirées. On affecta les mêmes distinctions dans la présentation des députés au roi. On ouvrit les deux battans au clergé et à la noblesse, et le roi les recut dans son cabinet : ôn n’en ouvrit qu'un aux députés des communes, et le roi les reçut