Bitef
convient de remarquer un fait encore ihabituel à l'époque: le spectacle fut produit de façon indépendante par la compagnie que Dodin venait de créer. Dans les années qui suivirent, Dodin fut invité à travailler au Théâtre d'Art de Moscou, au Bolchoïde Saint-Pétersbourg. Il signa la mise en scène d'oeuvres de Valentin Raspoutine, Karel Chapek, Tenessee Williams, Fédor Dotoïevski et Fédor Abramov. C'est avec cet écrivain et l'adaptation à la scène de son roman la Maison que Dodin accède à une reconnaissance internationale. Avant d'être nommé directeur artistique du Théâtre Maly en 1 983 (l'anée de la mort d'Ao ramov), Dodin avait enterpris de travailler sur la saga familiale sibérienne d'Abramov, emmenant sa troupe pour de longs séjours dans des villages très retirés et brisant les tabous et le silence officiel qui entouraient une œuvre mettant au jour les maux de la société soviétique de l'après-guerre aux années soixante-dix. C'est de cette aventure que naquit Frères et soeurs, vaste épopée dramatique présentée à Glasgow et à Londres en 1 990 et en 1991. Aujourd'hui, on a coutume de rattacher cette production du Théâtre Maly à la glasnost soviétique, bien qu'elle ait en fait précédé de plusieurs années. Le titre du specatacle Claustrophobia s'est imposé à nous pendant le travail d'improvisation. Chaque comédien a sa propre claustrophobie. Chacun de nous a la sienne. C'est une maladie très russe. On dit toujours que notre pays est immense. C'est vrai: il est immense. Le problème, c'est que cette immensité provoque la claustrophobie. Qu'on marche dans n'importe quelle direction, partout on retrouve la Russie et la même vie. Enfermés entre quatre murs. Jadis, n'importe qui était heureux de retrouver son pays, ses amis, sa famille, de retrouver Saint-Pétersbourg. Mais chacun était hanté par la pensée qu'il ne pourrait jamais plus ressortir. Nous ne pensions qu'à ça et une énorme quantité d'énergie négative s'accumulait à l'intérieur de nous et c'était ainsi pour tout notre peuple. Mais la claustrophobie n'est pas une maladie purement russe. Le monde entier en souffre aujourd'hui. Sans cela, que voudraient dire ces tensions à chaque frontière? La peur d'être enfermé dans un espace
imaginaire se transforme en psychose d'où émerge avant tout le nationalisme. Le nationalisme est une forme de claustrophobie. Question: Peut-on éviter la claustrophobie? Sans avoir de réponse appropriée, on peut avancer que l'art est un bon remède. La foi dans l'art est encore vivante bien que la vie soit si difficile. C'est une foi qui donne espoir et c'est avec elle que nous avons fait ce spectac e. Le futur acteur doit savoir regarder le monde d'aujourd'hui. Dans son pays et au-dehors. C'est ce thème qui a été donné aux étudiants de l'lnstitut de théâtre pour ce travail d'improvisation. Comment voient-ils ce monde et quelle mémoire ont-ils du monde de leur enfance? Ces jeunes acteurs ont beaucoup voyagé avec Gaudeamus. La réalité russe vue de loin est perçue de façon plus aigué et plus douloureuse. Au cours de ces improvisations, on a utilisé les thèmes de la littérature russe contemporaine, comme dans Oulitskaïa, Sorokine, Erofeiev. Bien qu'à la lecture de ces textes on retrouve la Russie communiste, le spectacle parle de la Russie d'après le putsch d'août 1 991. Les temps nouveaux ont provoqué de nouvelles phobies, névroses, idées fixes et suscité en même temps de nouveaux espoirs, de nouvelles découvertes. ■ Lev Dodin.
SLOBODNA DEÇA RUSIJE Pet stotina hjljada gledalaca (kako kažu organizatori) proslavilo je u celoj Evropi prethodnu predstavu Gaudeamus, Malog pozorišta iz Sankt Peterburga, kritiku vojnog života u SSSR-u, metaforu života prosto rečeno, koja je svuda pokupila medalje i nagrade svih vrsta, sve s razlogom. Odmah nam je jasno da će nova predstava Malog teatra Klaustrofohija, či [a je svetska premijera bila u Domu kulture u Bqbinjiju 1 8, januara, opet pod vođstvom Leva Dodina i u tumačenju trupe studenata Pozorisnog instituta Sankt Peterburga, imati istu sudbinu i isti oduševlieni prijem. Lev Dodin, pedesetogodišnjak, vodi Mali teatar od 1 983. Otknće je perestrojke, a za svoju predstavu Gaudeamus okupio je dvadeset sedam qlumaca između dvadeset i trldeset godina. Pod dubokim utiskom svoje turneje, daleko od kuée, hteli su da prenesu malo od oseéanja koje se u njima javilo pri