Correspondance de Thomas Lindet pendant la Constituante et la Législative (1789-1792)

166 CORRESPONDANCE DE THOMAS LINDET

Un curé fit une diatribe sanglante contre les évêques du Languedoc, l’évêque de Nîmes répondit d'un ton hypocrite des choses vagues. L'abbé d'Eymar (1), plus que suspect d’avoir fomenté les troubles d'Alsace, répond des généralités avec une incroyable impudence ; le baron de Marguerittes, maire de Nîmes, comparaît à la barre, et son insolence provoque le rappel à l'ordre. La frénésie de tous ces gens-là est inconcevable. Le vicomte de Mirabeau, presque mort-ivre, occupa la tribune à une des dernières séances du soir, pendant près d’une heure, sans qu'on püût l’en déloger. Son parti, honteux et humilié, parvint cependant à l’entraîner. Un Montlosier, dont la méprisable pantomime correspond singulièrement à la tournure de son esprit, déclama hier avec une indécence qui ne se conçoit guère malgré le rappel à l’ordre.

Messieurs dela droite applaudissent à outrance à toutes ces extravagances, et ils sont comme des forcenés contre _les galeries qui applaudissent toutes les fois qu’ils reçoivent quelques camouflets. Je ne sais où ces messieurs s’assemblent à présent. On les a chassés de la rue Royale, on les poursuit avec des huées qu'il est à craindre de voir dégénérer en actes de violence.

Cazalès, fatigué des improbations qu'il recevait, termina sa motion contre un membre de l’Assemblée, en disant que, sans le respect qu'il doit à l'Assemblée, il se serait vengé sur-le-champ, militairement. Je crois, vu la fureur qui les anime, vu les provocations qu'ils font au peuple, qu’il est impossible qu’ils ne fassent pas ou qu’ils n’éprouvent pas quelques actes de violence... Cependant, le peuple, dans les dernières classes, prend les choses plaisamment : il est persuadé qu'il ne doit pas les outrager de coups, mais que tout le reste est permis... À quelque jour, il se trouvera engagé dans un combat, car ces messieurs ne consentent pas à cette permission : il

(1) Eymar (Jean-François-Ange d’), abbé de Wall-Chrétien, député du clergé de Haguenau et Wissembourg.