Correspondance de Thomas Lindet pendant la Constituante et la Législative (1789-1792)

188 CORRESPONDANCE DE THOMAS LINDET

colonel et quelques officiers, indignés de cette ambassade, tombèrent sur la députation à coups d'épée, et la forcèrent de sauter par les fenêtres. On dit qu’un de ces bas officiers fut blessé mortellement. Bientôt le régiment accourut, et ce fut alors que M. de Mirabeau, escaladant les murs, alla furtivement chercher asile chez le maire.

Un autre courrier, arrivé à 11 heures du soir, expédié d'Avignon, apporta une lettre de la municipalité de cette ville, qui annonce que le peuple avignonnais est libre et que, d'une voix unanime, il demande à faire partie intégrante de la France (1). Le 10, les aristocrates de cette ville menaçaient le peuple, ils s'étaient mis sous les armes et s'étaient retranchés derrière des canons. Le peuple s’arma, on fit feu sur lui. Trente citoyens furent tués, les ennemis s’enfuirent lâchement. On en a pris un assez grand nombre, dont quatre ont été exécutés, et les autres envoyés dans la ville d'Orange pour y être en sûreté... On a nommé quatre députés qui se rendront incessamment à l'Assemblée nationale. On a expédié un courrier extraordinaire porteur d’une fort belle lettre qui produit une grande sensation. Le président a été chargé de porter ce matin cette nouvelle au roi. (Papiers KR. Lindet.)

CI. — À R. Lindet. Paris, le 19 juin 1790.

Mon frère, voici encore une séance qui fera époque. Ce soir, les conquérants de la Bastille ont obtenu la couronne obsidionale (2). Une députation de tous les peuples de la terre a été admise à la barre; Indiens, Arabes, Arméniens, Egyptiens, Africains, Prussiens, Polonais, Anglais, Espagnols, Italiens, etc., ont demandé à être admis à la

(1) Voir cette lettre dans le Moniteur, IV, 661. (2) Moniteur, IV, 674.