Correspondance inédite de La Fayette : lettres de prison, lettres d'exil (1793-1801)
CORRESPONDANCE INÉDITE 367
moindre prétexte; vous savez que la maison de Hanovre, celle d'Orange, et le ministère anglais m’honorent d’une haine virulente et active; c’est une raison de plus pour que les gouvernants français et bataves me voient sans peine dans la République alliée de la nôtre, lors même que les premiers ne sont pas plus pressés de me rappeler en France que je ne le suis d’en faire la demande; mais en même temps c’est une raison pour que tous les ennemis extérieurs de la liberté soient disposés, en se déguisant suivant l’usage, à ourdir quelque intrigue pour me tourmenter ici. Je dois donc éviter de donner sur moi la moindre prise à ceux qui pourraient, dans ce cas, être, sans le savoir, les instruments de leurs propres adversaires, et vous devez être certain que si les gens qui y peuvent quelque chose avaient la niaiserie de trouver à redire à ma présence ici, ce n'est pas sur moi, d'après la prudence que j'y mettrai, et les bontés dont on m’honore en Hollande, que tomberait le blâme. Aussi n’ai-je qu’à m'applaudir de l’idée que j'ai eue d’y réunir ma famille.
J'ai écrit au ministre américain pour connaître les occasions de m'embarquer pour les États-Unis, dont il faut espérer la réconciliation avec notre patrie; Adrienne passera encore avec moi quatre décades, et trouvera à son retour à Paris de quoi payer ma traversée : car s’il n’y a pas guerre ouverte entre les deux pays, je ne puis plus retarder une visite que les Américains ont droit d'attendre et dont le délai a déjà été bien long. Vous me connaissez assez pour qu'il soit superflu de vous dire que je n’ai pas revu sans émotion ces troupes nationales‘ qui ont si bien
1. Mém., 1. V, p. 6.