Entre slaves

LA SERBIE EN 1885 | 33

délaissement s'accorde avec l'aspect délabré de la bâtisse, habitée jadis par le gouverneur turc, que Milan occupe à présent et à laquelle on aboutit par un vieux pont en dos d'âne sous lequel la Nischava roule ses cailloux. Derrière quelques touffes d’arbustes qui poussent au hasard le long de la rivière, se cachent, timides, d'anciennes demeures turques, dont les murs et les balcons en bois entourent un minaret, blanc et luisant, reliques de l’islamisme. Des petites maisons modernes banales partout ailleurs.

Le gai soleil, le ciel bleu sous lequel se découpe dans le lointain une belle chaîne de montagnes, l'air vif de la plaine fouettant les visages, excitent au mouvement, à la vie bruyante tout ce petit monde de soldats, de paysans, de bourgeois, dépu‘és pour la plupart, qui se croisent et s’interpellent. Les guides du roi, en habits rouges, précédés d’une fanfare, se rendent au Konak relever la garde. Leur escadron éclatant s’enchevêtre au milieu des voitures garnies de bottes de foin et de paille, des charrettes emplies de pains. Des caissons de munitions barrent l’étroit chemin; des escouades de soldats, des paquets de fusils sur l'épaule, s’engouffrent sous la voûte de la citadelle, repoussant contre le parapet du pont des files de paysans traînant bœufs, cochons et poulets. Des ânes et des petits chevaux étiques, chargés de légumes et de fruits de la tête à la queue, se glissent en ruant et en brayant, dans la cohue, sous la conduite de paysannes apeurées. Et par ci par là, quelque gars des

= LEP A RE ANS