Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

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de la liberté de conscience. Non content, en eflet, de taxer d’indifférents « ceux qui disent qu’il faut une religion pour le peuple, mais qui s’en moquent pour eux-mêmes », il range dans la même catégorie ceux qui n’admettent que la religion naturelle, c'est-à-dire les philosophes spiritualistes à la manière de J.-J. Rousseau et les protestants. Ces derniers, en effet, n’admettent qu’un certain nombre de dogmes fondamentaux et soumettent la révélation au libre examen de la raison. Or, la raison de l’homme, individuellement, est imparfaite. Donc, par ces deux voies, on ne peut arriver à la certitude.

Ces attaques dirigées contre l'indifférence, — ou plutôt, contre la tolérance, — provoquèrent des répliques de la part des philosophes et des protestants, directement mis en cause. Les premiers demandèrent par quel miracle on pouvait accorder à la raison collective, constatée par l'Église, une infaillibilité qu’on refusait à la raison individuelle? Jouffroy, en particulier, dans deux articles publiés quelques années après dans le Globe”, prit la défense de cette « neutralité tolérante » condamnée par le fougueux apologète : « Nous lisons avec le même sang-froid », écrivait-il, « de Bonald et Benjamin-Constant, le Mémorial « catholique et le Mercure. — La Sorbonne et la philoso« phie du xvm° siècle nous font l'effet de deux mourants « qui se disputent à qui vivra? » — Et il concluait en ces termes : « Qu'est-ce qui a fait naître le protestantisme, sinon

R

« les abus du catholicisme? Où est la cause du régime « sévère de Louis XIV sinon dans les excès du protestan« tisme? Un siècle n’est donc responsable ni de ce qu'il est « ni de ce qu'il pense. — Un siècle sort d’un autre; une « opinion, d'une autre opinion... Ainsi, c'est la nature « humaine qui est la véritable source du mal; parce qu’étant

« faible, elle ne saurait voir qu’un coin de la vérité. Ainsi,

1. Globe du 15 janvier 1825. Comp. l’article du 24 mai de la mème année: « Comment les dogmes finissent. »