Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

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sant une certaine liberté aux prédicateurs et évangélistes des cultes reconnus par l'État, même en dehors des lieux de culte consacrés, elle se montrait impitoyable pour ceux qui offraient l'hospitalité à ces réunions religieuses. Elle soutenait cette thèse que l’article 294 du code pénal, qui défend d'accorder sa maison pour l’usage d’un culte, n'avait pas été abrogé par l’article V de la Charte. Ainsi, le citoyen qui, sur le refus du maire d'accorder l'autorisation demandée, ouvrait néanmoins sa maison à l'exercice d’un culte (même reconnu par PÉtat) se rendait passible des peines prononcées. Le refus du maire, en ce cas, s’il était fondé sur des motifs contraires à la liberté des cultes garantie par la Charte, ne pouvait être déféré qu'à l’autorité administrative supérieure !. Les curés étaient également obligés de se conformer à la décision des maires, pour toute procession, qui se faisait sur la voie publique.

La loi du 10 avril 1834 sur les associations, présentée par M. Thiers, ministre de l’intérieur, avait été même plus rigoureuse. Visant l’article XX VIII du Code pénal, elle stipulait que les autorisations demandées seraient toujours révocables et punissait d’un emprisonnement de deux mois à un an quiconque faisait partie d’une telle société et leur prêtait un local. En vain, MM. Roger (du Loiret), et Dubois (LoireInférieure) présentèrent-ils un amendement qui assurât à tout citoyen le droit de prier et de faire le culte en commun; en van, MM. Isambert et Odilon Barrot mirent-ils en relief le caractère réactionnaire de cette loi, qui nous faisait remonter en arrière de 1789, c'est-à-dire au régime de la « tolérance. » La Chambre des députés, effrayée par le spectre des congrégations, que M. Dupin évoqua devant elle, vota la loi. Les libéraux durent se contenter de la simple affirmation de M. Barthe, ministre des cultes : « S'il s’agit de réunions, qui ont seulement « pour objet le culte à rendre à la divinité, la loi n’est pas

Tr. V. par contre l'opinion de M. Dupin, procureur à la Cour, dans l'affaire des protestants de Lavergies (oct. 1830).