Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

166 LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE EN FRANCE

témoigna une faveur spéciale à la Congrégation de l’instruction chrétienne, fondée à Ploërmel par J.-M. de Lamennais, le frère du célèbre écrivain, et à la Société des frères de la doctrine chrétienne. I voulut donner à cette dernière une marque publique d'estime en offrant la croix de la Légion d'honneur à leur supérieur, le frère Anaclet ; ce dernier d’ailleurs la refusa avec une extrême humilité.

L’attitude des ministres de Louis-Philippe fut moins libérale vis-à-vis de deux autres partis de réforme religieuse et de réforme sociale : le mouvement de R.-F. Lamennais et le Saint-Simonisme. On connaît le but élevé poursuivi par le premier et ses amis dans le journal l'Avenir ; ils voulaient réconcilier la religion avec la liberté, le pays avec P Église. « Louis XIV, disaient-ils dans leur programme (août 1830), « a établi un divorce funeste entre ces éléments... La reli« gion n’a besoin que d’une seule chose, la liberté. Sa force « est dans la conscience des peuples-et non dans l'appui des « gouvernements. Elle ne redoute de la part de ceux-ci que « leur dangereuse protection, car le bras qui s'étend pour la « défendre s'efforce presque toujours de l’asservir. Le catho« licisme, en appelant la contrainte au secours de la foi, « soulèverait contre lui les plus nobles sentiments du cœur « humain, qu'irrite, surtout en matière de religion, tout ce « qui ressemble à la violence ». Et pour atteindre cet objet, ils réclamaient comme moyen : 1° la séparation de l'Église et de l’État, 2° la liberté de l'enseignement à tous ses degrés.

Ce programme resta incompris de la masse des catholiques ; les évêques, d'accord avec la bourgeoisie voltairienne, repoussèrent une telle innovation et trouvèrent au maintien du Concordat plus d'avantages que d’inconvénients. Seuls, un petit nombre de journaux républicains (Le Globe, le Courrier francais), de protestants indépendants (Le Semeur) et une élite de prêtres catholiques applaudirent à ces maximes. Le gouvernement poursuivit Lacordaire et Lamennais en cour d'assises pour les deux articles qu'ils avaient écrits : 1° contre la nomination des évêques et 2° sur l'oppression