Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

176 LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE EN FRANCE

le premier couvent de son ordre à Nancy (Pentecôte 1843), de là, l’ordre devait essaimer à Chalais, près Grenoble (1844) et à Flavigny (1848). En 184r, Lacordaire remonta dans la chaire de Notre-Dame, revêtu du froc blanc de saint Dominique et du manteau noir, et prècha un jour devant quelques milliers de personnes son discours sur la « vocation de la nation fran« çaise ». Le lendemain, le ministre des cultes l’invita à un diner ofliciel. C’est ainsi que Lacordaire, par son éloquence et ses aspirations libérales, gagna devant l'opinion la cause de la liberté des ordres catholiques. De leur côté, l « Association lyonnaise pour la propagation de la foi », les prêtres de saint Lazare et la congrégation de Picpus étendaient librement leur action missionnaire dans les colonies françaises.

En somme, pendant cette période de six années, la liberté de conscience individuelle et celle des cultes reconnus furent respectées. Si l’on maintint les lois de la Révolution contre les ordres monastiques, du moins on toléra leur rétablissement et les laissa se développer tranquillement. Mais sur deux points, le pouvoir civil se montra inflexible : le maintien de l’enseignement secondaire sous le contrôle de l'Université et l'autorisation municipale obligatoire pour les réunions de propagande.

$ 5. — La période dans laquelle nous entrons, celle qui précède immédiatement la révolution de février 1848, est singulièrement plus troublée et plus militante. Les protestants des Églises indépendantes, d’une part, s'organisent pour défendre leurs intérêts et remuent l'opinion par des mémoires, brochures ou pétitions adressées au Parlement en faveur de la liberté de prosélytisme. De leur côté les catholiques agitent le pays par leurs attaques contre le « monopole universitaire » et par leurs réclamations de la liberté de l’enseignement secondaire. À la faveur de ces luttes le monstre du fanatisme relève sa tête hideuse et le pouvoir civil est fort embarrassé pour maintenir la paix et la tolérance.

1) Liberté des cultes. — Les processions catholiques donnèrent lieu à des plaintes de la part de plusieurs consistoires