Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

SOUS LA MONARCHIE DE JUILLET 193

En vain M. Berryer mit-il au service des Jésuites les ressources de sa merveilleuse éloquence ! Il était visible que la majorité inclinait à l'opinion de Thiers. Ces débats eurent du retentissement au dehors du parlement. La presse, les écoles, toute la France se partagea en deux camps : les libéraux et gallicans dans l’un, et dans l’autre les ultramontains et les amis des Jésuites. — Ce qui était en jeu, en effet, ce n'était pas seulement l'existence d’une congrégation de plus ou de moins; mais le principe même de la liberté d’association religieuse. De quel droit avait-on laissé les Bénédictins, les Chartreux, les Dominicains rentrer et se développer en paix et voulait-on bannir les Jésuites? Ce n’était pas la vraie liberté, on revenait donc au régime de la tolérance, del’arbitraire. Mais, par contre, si on laissait carte blanche aux Jésuites, n’allaient-ils pas, comme sous la Restauration, accaparer la direction de tous les séminaires petits et grands et, par les idées réactionnaires qu'ils inculqueraient à leurs élèves, jeter dans les futures générations des germes d’intolérance et de guerre civile ?

Tel était le problème, dans toute sa gravité ; il y avait en apparence antagonisme entre la liberté de conscience et les principes de 1789 sur lesquels repose la société française. Ni le maréchal Soult, président du conseil, ni le garde des sceaux, Martin du Nord, n'étaient de taille à le résoudre. Guizot seul, qui était l'âme du cabinet, avait l'esprit assez élevé, l'âme assez religieuse pour trouver la solution.

Or voici quelle opinion M. Guizot avait exprimée sur les Jésuites, à la chambre des pairs, dans la séance du 9 mai 1844. Après avoir rappelé qu’ils avaient été institués par Ignace de Loyola pour défendre la foi contre le libre examen, le pouvoir absolu contre le contrôle, pour combattre en un mot le mouvement de liberté religieuse et politique inauguré par la Réformation, mais qu'ils avaient été battus parce qu'ils s’étaient trompés sur la portée de la Réforme, et qu'ils n'avaient pu empêcher la formation de nations libres ; il ajoutait :

« Aujourd’hui que ces faits sont, non pas des opinions mais

Boxer-Maur y. 13