Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

DE 1848 À 1870 213

Malgré cette opposition, la loi, soutenue par le gros du centre et de la droite et défendue par M. de Parieu, qui depuis le 3x octobre 1849 avait succédé à M. de Falloux à l’'Instruction publique, fut votée par 455 voix contre 187 (17 janvier) et adoptée définitivement après la troisième lecture (15 mars 1850). M. Athanase Coquerel, qui la combattit dans la séance du 4 février, l'avait bien jugée en prédisant « qu’elle était « trop religieuse pour l'esprit français et qu'elle détermi« nerait par la prépondérance donnée au clergé une réac« tion dans le sens de l’incrédulité! ». En attendant, elle constituait une réaction contre l'esprit de l’Université et la -liberté de penser.

Depuis 1849, le grand-maitre-catholique de l'Université, M. de Falloux, s'était mis à épurer systématiquement le personnel des écoles primaires et des collèges de tous ceux qui, par leurs idées républicaines avancées, leur doctrine philosophique ou leur foi religieuse, pouvaient offusquer les catholiques. On ne respecta même pas la liberté de conscience dans l’enseignement supérieur et trois hommes qui étaient l'honneur de l'Université et les favoris de la jeunesse furent frappés impitoyablement. Émile Deschanel, professeur au collège Louisle-Grand et à l'École normale supérieure, ayant été signalé par l'Univers et la Gazette de France, pour un article sur le Catholicisme et le Socialisme*, fut révoqué de ses fonctions _à la suite d’une procédure illégale devant le Conseil supérieur (fin février 1850). M. Vacherot, directeur d’études à l'École normale, dénoncé par l'abbé Gratry, aumônier de ladite école, comme ayant exprimé des opinions hérétiques dans le troisième volume de son Histoire de l'école d'Alexandrie, fut également révoqué par le ministre. Enfin Michelet qui, depuis ses fameuses lecons contre les Jésuites, était la bêle noire du

1. V. Lien du 16 février 1850.

2. V. la mise en disponibilité de M. P. Larroque, recteur à Lyon; la destitution de MM. Cahen et Aron, professeurs israélites ; celle du Dr Guépin, professeur à l'Ecole de médecine de Nantes.

3. V. Liberté de penser, 15 février 1890.