Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

SOUS L'EMPIRE AUTORITAIRE (1852-1860) 231

et de la nièce catholiques de Soult, qui la menaçaient, si elle n'abjurait pas, de la faire exclure de la chapelle mortuaire où reposait son époux. Elle était restée inflexible et avait professé hautement sa foi protestante tant qu'elle avait eu sa connaissance. Mais, étant tombée avant de mourir dans une sorte de coma, les fanatiques qui l’entouraient en profitèrent pour déclarer « qu’elle avait abjuré afin de ne pas être séparée de son époux dans la mort* » et pour lui faire donner par le clergé les sacrements de l'Église romaine.

Par contre, dans une foule de localités où il n’y avait qu'un cimetière, le clergé prétendit exclure les morts dissidents du champ du repos et même, en certains cas, exigea et obtint des maires l’exhumation.

A côté de ces traits d'intolérance, dignes du moyen âge, on est heureux de citer la conduite d’un prêtre vraiment apostolique. Quand il apprit que le poète Béranger était gravement malade, l'abbé Jousselin, curé de sa paroisse alla lui rendre visite et eut avec lui un entretien amical. Comme, avant de parür, le prêtre lui donnaït sa bénédiction, Béranger lui adressa ces paroles: « Et moi aussi Je vous bénis. Priez pour moi « comme je vais prier pour vous. Nous avons pris deux voies « différentes pour arriver au même but, voilà tout! » (Mijuillet 1857°.)

On ne saurait dire, en vérité, dans cette occasion, qui fut le plus fidèle interprète de l'esprit tolérant de Jésus, le prêtre catholique ou le chantre des gloires nationales ?

1. Lien, 2h avril 1862. Communication de M. le pasteur Clabérès, neveu de M. Salvetat, président du Gonsistoire de Sainte-Affrique.

9. Il n'est pas vrai d’ailleurs que Béranger se soit confessé et ail reçu l'absolution. Il resta déiste jusqu'à la fin.