Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

234 LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE EN FRANCE

« cultes, ni l'admission des non-catholiques aux fonctions « publiques ».

Avant d’examinér l'attitude prise par l’Empire en face de cette levée de boucliers des évêques, demandons-nous pourquoi cette question du pouvoir temporel surexcitait à ce point l'opinion catholique ? Touchait-elle réellement à la liberté de conscience ? Aux yeux de la plupart des catholiques, la souveraineté temporelle est d'institution divine. Elle est nécessaire au pontife romain, parce que, s'il était dans l'État d’un prince quelconque, il ne serait pas entièrement libre et ne pourrait exercer dans sa plénitude l'autorité suprême qu’il a reçue de Jésus-Christ. Donc, toucher à ce domaine, c’est « diminuer la splendeur », c’est opprimer l'indépendance du chef de l'Église et par suite froisser la conscience de ses membres. Ainsi raisonnaient les évêques, et nous comprenons leur inquiétude en voyant démolir pierre après pierre l'édifice patiemment construit en dix siècles. — Mais il y a une erreur et un vice dans ce raisonnement. D’abord le point de départ est faux ; celui qui a dit: « Mon royaume n'est pas de ce monde et Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu », n'a pu vouloir doter son vicaire d’un pouvoir temporel. Et le vice, c'est qu'un territoire propre n’est pas le seul moyen d'assurer l'indépendance d’un chef d'Église. On peut lui trouver d’autres garanties, par exemple celles que Gioberti a conçues dans son /iinnopamento : « La « personne du Pape, vivant à Rome déclarée indépendante « et inviolable, inviolables aussi ses palais, ses églises ; une « loi, débattue par les représentants de l'Italie établissant ces « garanties etune dotation assurée au saint Père par toutes « les nations catholiques! ». Les grands papes, qui ont vécu avant la donation de Pépin le Bref, les Fabien et les Damase, les Léon le Grand et les Grégoire [ n’en avaient pas eu autant, pour exercer librement leur autorité sur tout l'Occident. Et Léon XII, qui n’a jamais eu de temporel, n’a-t-il

1. V. Emile Ovuvrer. L'Empire libéral, à. I, p. 8309.