Histoire de la théophilanthropie : étude historique et critique : suivi d'une notice sur les catholiques allemands
68 HISTOIRE
Ainsi servie par l’intérét politique, la réaction religieuse né cessa de grandir ; elle devint bientôt comme un courant puissant qui emporta les âmes bien au-delà de la Théophilanthropie. Dès lors, entre ces tendances sceptiques, irréligieuses et matérialistes, d’une part, qui dominaient dans la classe des lettrés, des savants, et de l’autre cette réaction catholique, monarchique qui se prononçait de plus en plus et que servaient déjà avec talent, avec éclat des hommes de lettres comme Laharpe, Saint-Martin, M. de Bonald, des poètes comme Fontanes, Esménard, et le plus brillant de tous Châteaubriand, quelle place y avait-il pour cette religion morale, pour ce culte philosophique qui s'appelait la Théophilanthropie ? Évidemment aucune, et, en fait, la Théophilanthropie fut comme submergée par le flot montant de la réaction religieuse. Cette réaction catholique, devenue bientôt toutepuissante, s’imposa même aux philosophes, aux savants jadis partisans des doctrines du dix-huitième siècle ; le passage suivant de Mercier nous permet d'apprécier le changement, réel ou apparent, qui dans l’espace de quelques années s’était opéré dans l'esprit public. Dans un chapitre intitulé : Les ci-devant Académiciens, Mercier écrit ceci : « Ils marchaient presque tous sous l’étendard de Voltaire ; ils répétaient ses phrases comme celles de l’oracle ; c’était à qui déclamerait contre la religion chrétienne. . . . : + + + < . *+ Après la révolution, ces mêmes hommes qui aiguisaient continuellement leurs traits contre la tiare, la mître, le rabat, la calotte, s’avisèrent de nous parler de la religion de nos pères. Écoliers de Voltaire, leur bouche familiarisée avec les blasphèmes, parla des choses saintes et crut pouvoir transformer la tribune en une chaire évangélique. A cette incroyable dissonance, tout le monde se prit à rire ; on ne jugea pas même que c'était là hypocrisie, mais impertinence, orgueil académique mal étouffé (1)... ete...
Ainsi, d’une part, dans l'élite intellectuelle de la nation, athéisme ou tout au moins indifférence, disposition à se passer
{1) Mercier, Nouveau Paris, t. 1, p. 330.