L'atomisme d'Épicure

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heur. Nous croyons que la tendance pratique de la philosophie hellénique a étouffé une faculté profonde d'Epicure ; la faculté pour les recherches “ans le domaine de la philosophie théorique. Que notre conclusion soit juste, cela ressort clairement des résultats auxquels nous ayons abouti au cours de aotre étude sur l’atomisme d'Epicure. Car dans son atomisme

zotre philosophe à donné assez de contributions propres d'une

valeur incontestable (on doit se rappeler seulement sa théorie sur la déviation des atomes ou son argumentation abondante de ‘’immortalité de l'âme). En outre, notre opinion se trouve confirmée par ses approfondissements, souvent si subtilement théoriques, des principes de Démocrite (la meilleure preuve en est sa réfutation de la divisibilité de la matière à l'infini et son développement de la doctrine sur les minima dans l'atome). Tout cela pris en considération, les jugements précipités sur la soi-disant incapacité d'Epicure pour la philosophie théorique, jugements formulés sans une étude plus profonde de ses idées, semblent terriblement inconscients (x).

(1) Ritter, dans son Histoire de la philosophie ancienne, tome Il, p. 597, dit : © Rien ne prouve plus clairement la dégéreté scientifique de cet homme que sa physique, qui ne s'accorde ni avec sa morale, ni avec sa canonique. » Dans le tome III, p. 412, l'historien pense : « Il est évident que la canonique et la physique ne sont qu'un appendice maladroit de sa morale. » Ritter, semble-il, croit que la Morale d'Epicure ne s'accorde pas avec sa Physique et sa Canonique, parce qu'il n'a pas tiré, de ses principes matérialistes el sensualistes, de conséquences immorales. Ritter était incapable de comprendre que l'héroïsme de la Morale d'Epicure, consiste précisément dans le fait quil,a exigé une moralité des actions sans espoir de récompense dans l'au-delà. En vérité, le matérialisme du philosophe antique se distingue du matérialisme moderne en ce qu'il est — si on peut le dire — bienfaisant et salutaire ; il libère les hommes de leur crainte de la mort et des dieux, maïs il maintient la responsabilité morale de l'homme.

Le jugement négatif de De Gerando dans d'Histoire comparée des systèmes, tome Il, p. 477, pour ne pas mentionner les autres, n'est pas mieux fondé.

Il reste étonnant et regrettable que Zeller aussi se soit superliciellement décupé de la Physique d'Epicure, et qu'il ait négligé toute une partie aussi importante que Ja doctrine sur les minima dans l'atome. En acceptant aveuglément l'avis de Cicéron que la Physique de notre philosophe est entièrement dépendante de celle de Démocrite, Zeller avait un parti-pris et ne pouvait pas juger objectivement. Surtout, l'effort de Zeller de lier le sys tème d'Epicure à ceux de Platon et d'Aristote a complètement échoué (p. 499494). L'ignorance des détails de la Physique d'Epicure est la cause de l'opinion

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