La correspondance de Marat

LA CORRESPONDANCE DE MARAT 95

Lorsque le public est révolté des éloges que les journalistes ne cessent de prostituer à de misérables productions, pensez-vous que des productions originales, des découvertes importantes, présentées d'un ton défavorable, soient fort courues? C'est la manière impitoyable dont vous avez mutilé l'extrait qui vous a été remis, c’est le soin affecté que vous avez pris d'en retrancher tous mes titres à la bienveillance des lecteurs que je vous reproche, et c’est la partialité que vous avez montrée contre moi seul dont je vous fais un crime. Cessez d’objecter qu'à l'Aréopage la vérité devait être présentée toute nue, que les louanges ne font rien au public, qu'il ne juge d'un livre que sur le livre même. Vous êtes peu persuadé de ces belles maximes,

puisque vous les démentez vous-même à chaque page de

vos feuilles. Je ne vous renverrai pas aux éloges outrés que vous faites de la Cométographie du P. Pingré, des Essais de Kirwan, des Mémoires de Priestley, et de mille autres ouvrages. médiocres, mais je vous renvoie (cahier d'août 1181) aux éloges ridicules que vous donnez d'un bouquin que vous n’avez pas même pris la peine de lire. Je parle de l'Électricité des météores de l’illustre Bertholon.

En vain, Monsieur, la timidité veut-elle se parer à mes yeux des couleurs de la philosophie; soyons francs, et convenez que vous avez craint de me rendre justice parce que j'ai de puissants adversaires. De mon côté, je suis prêt à vous plaindre de n'être pas dans des circonstances assez heureuses pour ne consulter que l’amour de la vérité.

J'ai l'honneur d’être avec considération, monsieur, votre très humble serviteur.

MARAT.

À Monsieur de la Métherie, n° 10, rue Saint-Nicaise.