La correspondance de Marat

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méprise, et peut-être at-il craint de s’abandonner avec moi à la franchise qui est certainement dans son caractère.

Quant à moi, de quoi suis-je coupable? D’avoir suivi la foi de M. Pernet et d’avoir imputé des malversations commises dans un comité de la ville à un membre inno-

cent, au lieu de l'imputer à un autre membre coupable.

Venons maintenant au sujet de notre différend. Le délit est certain, il a été commis par un membre de la municipalité : ce membre était M°*; il est clair que M. de Pernet s’est trompé en nommant M. de Joly; quene que soient, d’ailleurs, les apparences qui ont produit la méprise, il suffit qu'il la connaisse pour que je fusse coupable de ne

pas m'empresser d'effacer, par un désaveu solennel de ma dénonciation, la tache qu’elle vous a imprimée. Je remplis donc avec zèle ce devoir sacré, et je l'aurais déjà rempli depuis huit jours si mes amis ne m’avaient arraché de chez moi pour m’entraîner en campagne, où ils m'ont tenu sous la clef, excepté le temps où ils me conduisaient dans la salle des États Généraux.

Tant que ma dénonciation subsistait, vous aviez droit de vous plaindre et d'exiger réparation d'honneur; aujourd’hui que je reconnais ma méprise et que je la désavoue publiquement, vous n’avez plus le droit de m’en faire un crime. Par ce désaveu volontaire tombe nécessairement l'action juridique que vous aviez contre moi ; et que pourrail exiger de plus un tribunal équitable qu'un désaveu que m’impose l'amour de la justice et le respect de la vérité ? Je ne vous demande pas de retirer votre plainte et de faire révoquer le décret lancé contre moi; lPéquité et l'honneur vous en font un devoir. Pour vous témoigner ma confiance sans bornes à cet égard, je vais m'arracher des bras de mes amis pour aller me remettre entre vos mains et m’abandonner à votre foi.

Marar, auteur de L’Ami du Peuple.

D'une campagne qui m'est inconnue, près Versailles, ce 15 octobre 1189.