La correspondance de Marat

11% LA CORRESPONDANCE DE MARAT

Quoi qu’il en soit, vous venez de consacrer mes principes par cette démarche d'éclat : vous venez de reconnaître solennellement que c’est au tribunal du public seul, que les agents ‘ du pouvoir doivent se justifier des inculpations dont on les charge; vous vous êtes volontairement soumis à ce tribunal suprème, et vous vous êles engagé à n’en reconnaitre aucun autre. Conséquences que vous n'aviez pas prévues, mais dont je prends acte contre vous.

Je vais descendre dans l'arène; je ne veux ni bouclier, ni cuirasse : je m'interdis toute ruse, toute feinte, je ne vous attaquerai que de front; mais Jaissez-moi, de grâce, le champ libre, et ne mettez point d'obstacle à la notoriété de mes coups. Je me présenterai en ennemi généreux, défendez-vous en brave, abattez-moi à vos pieds, et recevez d'avance cette déclaration sacrée, que si vous sortez vainqueur du combat, je serai le premier à publier ma défaite et votre triomphe. ;

* 1. M. de Saint-Priest, ministre de Paris, s'était déjà soumis à ce tribunal, dès le 12. Dénoncé à l'Assemblée nationale par Le comte de Mirabeau, pour avoir répondu à la phalange féminine parisienne : « Quand vous n’aviez qu'un Roi, vous ne manquiez pas de pain; aujourd'huique vous en ævez douze cents, allez leur en demander », il adressa au président du Comité des recherches une longue épitre, où on lit ce passage : « Je sais qu'un citoyen doit toujours être disposé à répondre au tribunal du publie; je viens récemment de confondre une calomnie inventée contre moi, à mon district de Saint-Philippe-du-Roule. » Mais il me semble que la justification d'un ministre devant un Comité de district est un peu suspecte, du moins à en juger par la réception de M. Necker à celui du district des Filles-Saint-Thomas. J'ajouterai qu'elle n'est rien moins que publique, car fout y passe à huis-clos. (Note de Marat)