La correspondance de Marat

416 LA CORRESPONDANCE DE MARAT

hasard à la tentative qui fut faite, dans la nuit du 9 janvier 1790, pour l'arrêter. Le lendemain, 10 janvier, il écrivit à La Fayette une lettre qu’il reproduit dans le numéro 95 de L'Ami du Peuple (42 janvier 1790), sous ce titre : « Lettre de l’Ami du Peuple au marquis de La Fayette, commandant général de la milice nationale parisienne, en date du 40 janvier 1790. » :

La nuit dernière, sur les onze heures et demie, quarante à cinquante hommes, tant grenadiers que chasseurs, accompagnés de deux alguazils de robe courte et d’un huissier, ont environné la maison que j habite, pour m’enlever arbitrairement à main armée, après s'être adressés au corps-degarde aftenant pour avoir main-forte. Quand l’Ami du peuple serait l’ainé des cyelopes qui escaladèrent le ciel, la troupe la plus lâche eût été moins nombreuse : comment de braves militaires ne meurent-ils pas de honte d'avoir joué un pareil rôle, à moins qu'ils ne s’attendissent à trouver de la résistance de la part du corps-de-garde voisin, ce qui serait infailliblement arrivé, si l'officier de garde eùt été mieux au fait de ses droits : affront que le vigoureux district des Cordeliers prendra bien sûrement en considéralion.

Quant à moi, je suis trop jaloux de l'honneur du bataillon de Saint-Étienne-du-Mont, ce jour-là de garde au Châtelet, pour ne pas le venger des soupçons injurieux qu'en ont conçus une foule de bons citoyens. Je désirerais seulement que ces braves militaires n’oubliassent pas qu'étant les soldats de la patrie, ils ne doivent jamais prêter leurs bras pour opprimer ses défenseurs.

Les gardes nationaux sont trop fidèles à leur honneur pour laisser révoquer en doute leur patriotisme, et vous, monsieur, sur qui repose la confiance de la nation, vous ne pouvez mieux y répondre qu’en leur inculquant ces sentiments généreux.

11 me reste une observation bien sérieuse à vous faire,