La correspondance de Marat

LA CORRESPONDANCE DE MARAT 117

et dont personne n’est mieux fait que vous pour sentir fout le poids; c’est que le détachement nombreux chargé de violer mon asile, et de m'arracher de mes foyers, a été enyoyé par le Châtelet. Si ce tribunal peut impunément faire marcher, sans votre attache, les soldats de la patrie pour opprimer les citoyens, et les charger de la vengeance de sa querelle, qui l'empêchera de déployer les forces nationales contre le public? Que deviennent alors vos fonctions de commandant général? Et que pensera la nation, qui vous regarde comme son vengeur? Un pareil abus tendrait à faire passer les forces nationales dans les mains de nos ennemis, à tourner les citoyens contre les citoyens, à allumer la guerre civile, et à écraser la liberté publique par ses propres défenseurs. Je vous requiers, monsieur, de

prendre les mesures les plus promptes et les plus efficaces .

pour réprimer cet abus alarmant, et défendre que dans la suite aucune expédition militaire ne puisse se faire sans votre visa : seul moyen d'empêcher les malheurs terribles qui résulteraient infailliblement de cette usurpation de pouvoir.

Permeltez-moi de vous renouveler ici mes éraintes au sujet des innovations faites dans l'organisation de la milice nationale parisienne. On a choisi, pour attenter à ma liberté, des grenadiers et des chasseurs, deux corps qui ont affiché des distinctions humiliantes pour les autres soldats, et qu’on ne s’est peut-être efforcé de former que pour diviser les citoyens.

Cest vous, monsieur, qui, sans vous en douter, avez favorisé cette fatale division, par un avertissement publié dans les papiers publics. Je laisse à votre prudence le choix des moyens d'arrêter les progrès du mal à sa naissance, et de justifier aux yeux de la nation la sincérité des sentiments patriotiques dont vous faites profession.