"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (sa posvetom autora)

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CHAPITRE VI.

i 3 LE MAUVAIS OEIL La superstition du mauvais œil est plus ancienne et mieux connue que les croyances relatives aux vampires. Aussi pensons-nous ne pas devoir nous étendre aussi longuement sur ce sujet que nous l’avons fait à l’occasion des précédentes ballades. Théocrite s’inspire de cette superstition dans ses idylles 1 ; Pline l’Ancien en parle dans ses histoires 2 ; Ovide enfin dans ses Amours explique ce qu’est le mauvais œil : Oculis quoque pupula duplex Fulminât, et gemino lumen ab orbe venit 3 . Au xvi e siècle, un célèbre physicien italien, JeanBaptiste Porta, consacre au mauvais œil tout un chapitre de son gros ouvrage : Magiœ naturalis sive de miraculis rerum naturalium lib. XX, Naples 1589 A Ce livre où, à côté d’une quantité de choses ridicules compilées sans critique, il se trouve de nombreuses observations très judicieuses sur les phénomènes naturels, eut une renommée universelle ; on en fit des traductions en plusieurs langues et même en arabe ; toutefois il n’en existe pas de version française complète. Mérimée a connu Porta et l’a très longuement

1 Idylles, VI, 39. 2 Histoire naturelle, VII, 2. Cf. aussi les Captifs de Plaute, vers 475-495. 3 « Dans ses yeux brille une double prunelle d’où jaillissent à la fois des rayons de feu. » (Amores, I. Éleg. 8, 15.) 4 Livre VIII, ch. xiv.