"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (sa posvetom autora)

LE MERVEILLEUX DANS « LA GUZLA ».

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cité à la fin de sa dissertation sur le mauvais œil ; dans la seconde édition il supprima cet emprunt. Avec le romantisme, le mauvais œil et les jeteurs de sorts redevinrent à la mode. En 1820, Nodier en parle en détail dans un appendice de Lord Ruthwen de Cyprien Bérard. En 1835, un certain M. Brisset écrit un Mauvais œil qui n’est en somme qu’une imitation plus horrible et plus fantastique encore du Smarra de Nodier 1 . Théophile Gautier, en 1857, écrit une Jettatura*. Dumas père dans le Corricolo, lui aussi, traite en un chapitre de cette superstition et, comme le folkloriste anglais Ehvorthy 3 , constate que les femmes à Naples sont heureuses si l’on crache à la figure de leurs enfants qu’elles croient ensorcelés ; c’est le plus sûr moyen de rompre le charme fatal qu’exercent sur eux les paroles louangeuses. L’un des maîtres de Mérimée, Fauriel, estimait déjà en 1824 la matière trop connue pour s’en occuper particulièrement : Mais, pour en venir aux superstitions restées des anciens Grecs à ceux d’aujourd’hui, il en est auxquelles je ne m’arrêterai pas, parce qu’elles se trouvent partout... Telles sont, par exemple... l’opinion que certains individus sont doués de ce qu’on appelle le mauvais œil, ou la faculté de porter malheur aux autres en les regardant, etc. 4 La croyance au mauvais œil est en effet une superstition universelle et fort ancienne; c’est qu’aussi bien cette superstition a pu avoir à l’origine, pour point de départ, l’observation de phénomènes réels ; ce mystérieux pouvoir qu’ont certains tempéraments sur d’autres, l’hypnotisme dont on ne connaît pas bien encore

1 Gf. ci-dessus, pp. 100-101. 2 Ibid. 8 Fred. Th. Ehvorthy, The Evil Eye, Londres, 1898, pp. 14 et 18. 4 Fauriel, Chants grecs, 1.1, p. lxxxi.