"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (sa posvetom autora)

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CHAPITRE VI.

aujourd’hui les raisons, était bien fait pour effrayer les imaginations primitives; les anciens voyaient dans ce que nous désignons aujourd’hui d’un simple mot : catalepsie, sans nous en étonner outre mesure, comme un avant-goût de la mort. Quoi qu’il en soit, Mérimée était bien renseigné sur ce sujet, soit par ce qui traînait çà et là, un peu partout dans les livres, soit enfin par les ouvrages que nous l’avons vu consulter si souvent à l’occasion de la Guzla. Fortis parle, en effet, et très amplement, de ces superstitions, encore qu’il insiste davantage sur les moyens de se garantir contre ceux qui ont ce pernicieux pouvoir 1 . Sua le Mauvais OEil 2 . — Comme pour le vampirisme, Mérimée a jugé qu’une introduction était nécessaire à ses ballades sur le mauvais œil. II en parle en homme entendu ; est-il besoin de dire que nous n’y trouverons rien qui ne se rencontre dans les ouvrages que nous venons de citer? Mais si le fond ne lui appartient pas, la forme est bien à lui ; dans cette introduction, comme dans les précédentes, aux choses qui lui viennent des autres, Mérimée a mis sa marque personnelle. Après avoir indiqué en quelques mots les effets funestes du pouvoir qu’exercent sur autrui certains personnages mystérieux, Mérimée cite sa propre expérience : il a vu, de ses yeux vu, par deux fois, des victimes du mauvais œil. Et au lieu de faire sur le mauvais œil un. long et plat exposé en termes très généraux et abstraits, il nous traduit en termes sensibles, dans un récit presque entièrement composé de vivantes anecdotes, toutes

1 Voyage enDalmatie, t. I, pp. 98-99. Cette croyance existe même aujourd’hui parmi les Serbo-Croates. Guzla, pp. 91-100.