"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (sa posvetom autora)

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CHAPITRE VI.

lontairement provoqué ; suit un extrait des idées de Jean-Baptiste Porta sur le sujetL Disons-le encore, il n’y a rien de bien original pour le fond dans cette introduction ; elle n’a d’autre mérite que d’être agréable à la lecture par la vie et le mouvement que l’auteur de la Guzla a su y mettre. Le Mauvais OEil 2 . Parmi les ballades que Mérimée a consacrées à ce genre de superstition, l’une a pour titre le Mauvais œil. Toutes ces croyances s’y résument en quelque sorte; elle est comme une illustration poétique de toutes les idées contenues dans la dissertation. Le personnage funeste est « mauvais œil » et sait aussi des paroles magiques dont le charme est fatal. Une mère au chevet de son enfant se lamente sur le mal cruel qui le mine : un maudit étranger est venu dans la maison, « il a vanté la beauté de l’enfant, il a passé la main sur ses cheveux blonds... Beaux yeux, disait-il, bleus comme un ciel d’été et ses yeux gris se sont fixés sur les siens... Et les yeux bleus de l’enfant sont devenus ternes par l’effet de ses paroles magiques, et ses cheveux blonds sont devenus blancs comme ceux d’un vieillard ». Ah! s’il était ici ce maudit étranger, comme elle l’obligerait à cracher sur le joli front de son enfant ! Mais on le sauvera, car son oncle est allé à Starigrad et rapportera de la terre du tombeau du saint: car l’évêque, son cousin, a donné à la bonne mère une relique qu’elle va pendre au cou de son enfant. D’une inspiration émue, cette originale mélopée d’une mère au chevet de son enfant agonisant est d’un charme à la fois triste et pénétrant; on y sent comme une émo-

1 C’est le passage qui fut supprimé dans la deuxième édition. 2 la Guzla, pp. 113-116.