"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (sa posvetom autora)

LE MERVEILLEUX DANS « LA GUZLA ».

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tion contenue ; la mère enveloppe son enfant d’une tendresse si grande que ce dernier espoir qu’elle se donne, cette foi si sincère qu’elle a en des pratiques superstitieuses, nous paraissent tous naturels. Maxime et Zoé 1 . —En bien des endroits, nous l’avons vu, Mérimée en composant la Guzla a dû songer à ses auteurs classiques. Pour ce poème il avoua, dans une note supprimée dans les éditions postérieures, s’être inspiré de Virgile. « On voit ici, dit-il, comment la fable d’Orphée et d’Eurydice a été travestie par le poète illyrien qui, j'en suis sûr, n’a jamais lu Virgile. 2 » C’est plus qu’un travestissement que Maxime et Zoé. C’est un déguisement sous lequel il eût été impossible de reconnaître Virgile si Mérimée n’avait pris la précaution de nous en avertir, ce qui nous fait croire de plus en plus que les quelques rapprochements que nous avons pu faire entre les autres ballades et la littérature classique, s’ils ne sont évidents, sont du moins très probables. Il n’y a d’autre ressemblance, en effet, entre le récit de Virgile et la ballade de Mérimée si ce n’est que, chez l’un comme chez l’autre, l’un des amants se retourne pour causer la perte de l’autre. Échappé de tous les dangers, Orphée revenait des sombres bords, et Eurydice, qui lui était rendue, marchait vers les régions de la lumière, le suivant sans qu’il la vît ; Proserpine ne la lui rendait qu’à ce prix. Mais, ô délire soudain d’un amant insensé, et bien digne de pardon, si l’enfer savait pardonner ! il s’arrête, et presque aux portes du jour, s’oubliant lui-même, hélas ! et vaincu par l’amour, il regarde son Eurydice. En ce moment tous ses efforts s’évanouirent ; les traités furent rompus avec l’impitoyable tyran des enfers, et trois fois les gouffres de l’Avefne retentirent d’un épouvantable fracas. Mais elle :

1 La Guzla, pp. 101-112. 2 Idem, p. 112.