"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (sa posvetom autora)

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CHAPITRE VII.

pas, sans ce secret instinct de metteur en scène qui pousse et conduit Mérimée, qui lui fait choisir ici cela, ailleurs une autre chose : enfin ce qu’il lui faut. Elle ne serait rien non plus, sans ce labeur long et continu vers cet idéal qu’il s’efforce d’atteindre. C’est ce qui nous fait dire que la Guzla n’est point une œuvre composée exclusivement pour s’amuser « à la campagne », « après avoir fumé un ou deux cigares », « en attendant que les dames descendent au salon ». Elle nous semblerait bien plutôt avoir été écrite dans une bibliothèque, au milieu de livres qu’on peut consulter au besoin, quand le souvenir est par trop infidèle. La Guzla peut avoir été élaborée en quinze jours, elle n’a reçu sa forme définitive, croyons-nous, qu’après que Mérimée eût eu le temps de la revoir de très près. Nous ne nierons pas non plus qu’il n’y ait dans la Guzla une certaine tendance au lyrisme *, mais à un lyrisme de pure forme, qui n’est en définitive qu’un « extrait des lectures » de l’écrivain. Mérimée a su faire vivre des personnages, mais on ne le retrouve pas, lui, en eux. Et c’est pourquoi nous ne nous étonnerons pas qu’il n’ait pas continué dans cette voie, parce qu’à vrai dire elle n’était pas la sienne; sa première pudeur de jeune écrivain qui n’osait donner sous son nom un tel recueil au public; son superbe dédain de quelques années plus tard, tout cela nous paraît fort naturel : il était déjà tel au moment où il écrivait sincèrement ces pages qu’il était nécessaire, sinon qu’il les désavoue, du moins qu'il les condamne un jour.

1 Impromptu, le JUorlaque à Venise, le Cheval de Thomas 11.