"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (sa posvetom autora)

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CHAPITRE VIII.

deux volumes des Chants populaires des Servions, recueillis par Wuk Stephanowitsch Karadschitsch et traduits d'après Talvj (Paris, J.-A. Mercklein, 1834). L’ouvrage cependant n’eut aucun succès, bien que H. Fortoul lui eût consacré une notice bienveillante dans la Revue des Deux Mondes 1 . Lamartine qui, vers la même époque, fil son voyage en Orient, lut avec attention ce recueil, s’en documenta et, dans une édition postérieure, inséra dans son itinéraire plusieurs chants serbes de cette traduction, comme « commentaire » de ses notes. Nos lecteurs, disait-il, nous sauront gré de leur faire connaître cette littérature héroïque. C’est une poésie équestre qui chante, le pistolet au poing et le pied sur l’étrier, l'amour et la guerre, le sang et la beauté, les vierges aux yeux noirs et les Turcs mordant la poussière. Son caractère est la grâce dans la force, et la volupté dans la mort. S’il me fallait trouver à ces chants une analogie ou une image, je les comparerais à ces sabres orientaux trempés à Damas, dont le fil coupe des têtes et dont la lame chatoie comme un miroir' 2 . On peut ne pas trouver très exacte cette manière de caractériser les chants serbes, mais un fait est certain : Lamartine, quand il en eut besoin, s’adressa à une collection de poésies authentiques, et ne paraît pas avoir songé le moins du monde à Mérimée 3 . Six ans plus tard, la poésie serbe eut l’honneur d’un cours spécial au Collège de France, et ce fut le célèbre poète polonais Adam Mickiewicz qui en fut chargé. Nous nous occuperons ailleurs de ces leçons. Sans faire ici l’histoire de la chaire de slave au Collège de France,

1 Revue des Deux Mondes du 1 novembre 1834, pp. 347-348. - Œuvres complètes de Lamartine, t. VIII, Paris. 1861, pp. 33-108. 3 A propos du Voyage en Orient, il faut faire remarquer que dans les pages relatives aux pays serbes, les noms propres sont généralement mal orthographiés. Un nouvel éditeur ne pourrait-il remédier à cet état de choses ?